HARCELEMENT MORAL : LE CHANGEMENT D’AFFECTATION D’OFFICE

Dans quelles cas le changement d’affectation d’office peut-il être contesté par le fonctionnaire ?

 – EN BREF –

 Le changement d’affectation d’office, lorsqu’il intervient dans un contexte de harcèlement moral, n’est pas une mesure d’ordre intérieur (non contestable). Il s’agit donc d’un acte susceptible de recours que vous pouvez contester.

 

– POUR ALLER PLUS LOIN –

L’administration peut décider du travail qu’elle confie au fonctionnaire. Cela induit qu’elle peut modifier les tâches confiées, et décider de changer l’agent d’affectation.

Il s’agit alors de mesures prises à l’égard d’agents publics qui constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours.

Ce principe a été posé par l’arrêt de section du Conseil d’Etat du 25 septembre 2015 (CE Sect. 25 septembre 2015, Mme X…, n° 372624) avec deux exceptions :

Première exception : il faut que les effets de la mesure ne soient pas suffisamment importants pour causer grief à l’agent.

Plusieurs prismes ont été développés par le juge : cette mesure, même si elle modifie son affectation ou les tâches qu’il a à accomplir, ne doit pas :

  • porter pas atteinte aux droits et prérogatives que l’agent tient de son statut ou de son contrat (CE 3/8 CHR, 7 décembre 2018, Région Hauts-de-France, n° 401812) ;
  • porter atteinte à l’exercice de ses droits et libertés fondamentales,
  • ou emporter de perte de responsabilités ou de rémunération.

Deuxième exception : indépendamment des effets de la mesure, son motif ne soit pas constituer une discrimination ou une sanction déguisée. Dans le cas contraire, la mesure constitue un acte faisant grief et est susceptible de recours.

 

Qu’en est-il du harcèlement ?

Par sa décision du 8 mars 2023, le Conseil d’Etat rappelle que le changement d’affectation d’office peut être au nombre des agissements de l’administration venant, avec d’autres mesures et enchaînement d’actes, former le faisceau d’indices nécessaire pour caractériser le harcèlement moral.

Il précise ensuite dans quelles conditions cette mesure peut être contestée : peut-on se contenter d’invoquer le motif ou doit on justifier de ses effets ?

  • Invoquer le motif est insuffisant : dès lors qu’il suppose des agissements répétés ayant entrainé un effet (dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel) en application de l’article L. 133-2 du code général de la fonction publique, le harcèlement ne peut être caractérisé par le seul acte de changement d’affectation. Il ne peut donc se rattacher à la deuxième exception.
  • Les effets peuvent être invoqués : puisque le droit de ne pas subir un harcèlement moral est protégé par les statuts du fonctionnaire (article précité du CGFP), il peut être rattaché à la première exception.

 

Ainsi, le Conseil d’Etat précise qu’un changement d’affectation d’office (en l’espèce sur un poste pour lequel la fonctionnaire n’avait pas postulé) est un acte susceptible de recours lorsqu’il intervient dans un contexte de harcèlement moral.

Il peut donc être contesté par l’agent, à qui il incombe d’apporter les éléments caractérisant le faisceau d’indices du harcèlement, et les effets de la mesure.

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Le cabinet assiste les agents de la fonction publique confrontés à ces situations et les accompagne.

Me Coralie AMELA-PELLOQUIN

 

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