Conditions de travail et maladie imputable au service

Le Conseil d’Etat a récemment apporté des précisions fondamentales sur le régime de reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie affectant un fonctionnaire » (CE, 13 mars 2019, n° 407795).

– EN BREF –

Par son arrêt du 13 mars 2019, le Conseil d’Etat reconnait que les conditions de travail peuvent créer un environnement pathogène à l’origine d’une maladie professionnelle.

Il rappelle en outre qu’il n’est pas nécessaire de rechercher si ces conditions de travail traduisent une volonté délibérée de nuire à l’agent : il suffit que l’environnement créé soit de nature pathogène pour que l’imputabilité puisse être retenue.

 

  • Une définition plus précise de l’imputabilité au service

L’article 21 bis de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires fixe la définition de l’imputabilité au service d’une maladie :

  • Présomption d’imputabilité pour toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles[1] et contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions et dans les conditions mentionnées à ce tableau ;
  • A défaut d’être inscrite sur les tableaux des maladies professionnelles, toute maladie peut être reconnue lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu’elle est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente[2].

Ainsi, si la maladie, comme le syndrome dépressif, n’est pas inscrite sur les tableaux des maladies professionnelles, le fonctionnaire doit établir qu’elle est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente.

Le Conseil d’Etat est un peu plus précis dans sa définition et indique désormais :

« 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service. » (CE, 13 mars 2019, n° 407795).

Le principe posé est que la maladie est reconnue comme imputable :

  • si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ;
  • ou si elle présente un lien direct avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause.

Le Conseil d’Etat affirme donc clairement que le juge doit examiner les conditions de travail du fonctionnaire et que ces seules conditions de travail peuvent créer un environnement pathogène de nature à induire le développement de la maladie.

Le Conseil d’Etat rappelle également l’exception au principe : la maladie n’est pas imputable, même si les conditions de principe sont réunies lorsque :

  • qu’un fait personnel de l’agent conduit à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service
  • ou toute autre circonstance particulière conduit à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service

L’idée sous-jacente est d’examiner, au cas par cas, si une faute ou un fait de l’agent a contribué à sa maladie et, si c’est le cas, d’examiner s’il est exorbitant du service.

Désormais, le juge va donc observer si la maladie, par exemple un syndrome dépressif, présente un lien direct avec l’exercice des fonctions de l’agent ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause. Si tel est le cas, la maladie sera reconnue imputable au service sauf si un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière (comme une prédisposition) conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.

 

  • Il n’est pas nécessaire que le fonctionnaire démontre la volonté de nuire de l’employeur

On savait déjà que l’imputabilité au service n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’employeur :

TA Lyon, 26 sept. 2012, n° 1007806 : « l’imputabilité au service d’une maladie, notamment d’une dépression nerveuse, n’est pas subordonnée à l’existence d’une situation de harcèlement moral mais uniquement à son lien direct avec le service (…) ».

Le Conseil d’Etat va plus loin et indique très clairement que la maladie peut être reconnu imputable au service du fait des conditions de travail même si ces conditions de travail ne traduisent pas de  volonté délibérée de l’employeur de nuire à l’agent :

«  En revanche, en jugeant que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A… interdisait de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection en cause, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit, dès lors qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. » (CE, 13 mars 2019, n° 407795).

Cette précision est très importante car le Conseil d’Etat tire les conséquences du régime de responsabilité : il s’agit d’une responsabilité pour risque (le risque que la situation fait courir à l’agent) et non d’une responsabilité pour faute.

Le fonctionnaire n’a donc pas à démontrer qu’il y a eu une faute de l’employeur qui a délibérément créé une situation dans l’intention de lui nuire. Il doit seulement établir que les conditions de travail ont été de nature à créer un environnement pathogène pouvant être à l’origine de la maladie.

En conclusion, de mauvaises conditions de travail, même installées sans intention de nuire, peuvent être à l’origine d’une maladie imputable au service.

[1] mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale

[2] à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat

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